
En passant de la narration du Premier Commencement du Ciel et de la Terre à celle du couple jumeau masculin et féminin, Izanagi et Izanami, le genre de la genèse subit un changement significatif ; les deux divinités donnent naissance à de nombreux enfants, d’abord sous la forme d’îles, puis de divinités.
Leur première tentative d’enfantement, consistant à abaisser une lance dans l’eau salée pour consolider la terre flottante peut être considérée comme un épisode intermédiaire entre le type du Devenir et celui de l’Enfantement.
Ensuite, les paroles échangées entre Izanagi et Izanami soulignent la différence de forme des corps masculin et féminin, mettant en valeur l’acte sexuel en vue de la procréation.
Pourtant, la naissance de la divinité du Feu ne provoque pas seulement le décès de sa mère, Izanami, mais surtout un genre de genèse ambigu ; diverses divinités naissent de matières émanant de leurs parents fondateurs, ainsi que des excréments d’Izanami, des larmes d’izanagi, etc.
On pourrait penser que la genèse, liée au concept de ‘Devenir’ revient à nouveau, tout en demeurant attribuée au couple jumeau en tant que parents.
Voici la traduction littérale que je propose du récit mythique d’Izanagi et Izanami dans le Kojiki.
(1) Première tentative, ratée

Toutes les Divinités du Ciel ordonnèrent à Izanagi et Izanami d’organiser et consolider la terre flottante, et, leur octroyant une lance céleste, daignèrent leur confier cette charge solennelle. Dès lors, les deux divinités, en se tenant sur le Pont Flottant du Ciel, abaissèrent la lance pour remuer l’eau salée ; lorsqu’elles l’eurent hissée hors de la marée avec des bruits onomatopéiques goro-goro, l’eau de mer qui s’écoulait de la lance ne cessa de s’accumuler et devint une île. C’est l’île d’Onogoro.
En descendant de là-haut sur cette île, Izanagi et Izanami dressèrent un sacré pilier et construisirent le Palais Yahiro (de grande étendue). Alors Izanagi demanda à la sœur Izanami : « Comment ton corps s’est-il formé ? » Izanami répondit : « Mon corps s’est formé progressivement, et il y a une partie qui ne s’accorde pas bien.» Izanagi lui proposa : « Mon corps successivement formé, il reste une partie qui est de trop. Je souhaite l’insérer à l’endroit mal arrangé de ton corps, dans l’intention d’enfanter la terre du pays. Qu’en penses-tu ? » Izanami répondit : « Très bien. »
Izanagi dit : « Entendu. Toi et moi, tournons autour du pilier céleste et rencontrons nous pour nous unir. Ainsi promis, il ajouta : « tu tourneras à droite. Moi, à gauche. » Ils tournèrent comme promis ; à ce moment, Izanami prit l’initiative et dit : « Ah, qu’est-ce que tu es un excellent homme ! » Izanagi la suivit : « Ah, qu’est-ce que tu es une excellente femme ! » En même temps, celui-ci reprocha à sa sœur : « Il n’est pas bien que la femme prononce le mot avant l’homme. » Cependant ils commencèrent à s’unir dans leur lit conjugal et donnèrent naissance à un enfant, Hiruko (enfant de sangsue), qu’ils abandonnèrent dans un bateau de roseaux. Ensuite, ils accouchèrent l’île d’Awa (mousseuse ou floue), qui n’était pas non plus reconnue en tant que leur enfant.
(2) Accouchement des îles (des pays)

Alors, les deux divinités se dirent : « Les enfants que nous venons d’accoucher n’étaient pas bien faits. Allons en rendre compte aux divinités célestes. » Ainsi ils remontèrent ensemble auprès d’eux pour solliciter leur ordonnance, qui leur commandait de consulter la divination avec un os d’épaule d’un cerf brûlé. « Il n’est pas bien que la femme tourne avant l’homme. Il faut redescendre et formuler de nouveau », adjura l’oracle. Alors ils redescendirent sur la terre et tournèrent derechef autour du sacré pilier. Cette fois-ci, c’était Izanagi qui prit la parole : « Ah, qu’est-ce que tu es une excellente femme ! », et la petite sœur Izana-mi le suivit : « Ah, qu’est-ce que tu es un excellent homme ! »
À la suite de leurs paroles, l’enfant qu’ils enfantèrent était l’île d’Awaji-no-Ho-no-Sawaké, puis l’île d’Iyo-no-Futana.
(Puis s’ensuivit l’enfantement des îles, au nombre total de quatorze.)
(3) Accouchement de diverses divinités

Après avoir accouché les îles (pays), ils commencèrent à donner naissance à diverses divinités. Les noms de ceux qu’ils mettaient au monde étaient Ohokoto-Oshio-no-kami, puis Iwa-tsuchi-Biko-no-kami, puis Iwasu-Himé-no-kami.
(Puis s’ensuivit l’enfantement des divinités au nombre totale de vingt-six.)
Puis, la divinité du Feu, nommée Hi (feu)-no-Yagi-Hayao-no-kami, autrement Hi-no- Kagabiko-no-kami, et encore autrement Hi-no-Yagutsuchi-no-kami. À l’enfantement de ce dernier-né ignifuge, Izammi fut brulée au vagin et gardait le lit de malade. Les nom de ceux qui, des matières vomies par elle, devenaient des divinités, étaient Naka-Yama-Biko-no-kai et Kana-Yama-Bimé-no-kami.
Ensuite, les noms de ceux qui, de ses excréments, devenaient des divinités, étaient Hani- Yasu-Biko-no-kami, puis Hani-Yasu-Bimé-no-kami. Ensuite, les noms de ceux qui, de son urine, devenaient des divinités, étaient Mitsu-hanomé-no-kami, puis Waku-musubi-no-kami. L’enfant de celle-ci s’appelait Toyo-Uké-Bimé-no-kami. Izanami mourut à cause de l’accouchement de la divinité du Feu.

Alors Izanagi déplora : « Je n’ai jamais imaginé que ma chère épouse serait remplacée par un seul enfant », et il rampa sur le ventre au chevet de sa femme, puis vers ses pieds en pleurant. En ce moment, le nom d’une divinité émanant des larmes d’Izanagi était Naki- Sawamé-no-kami, qui était assise au pied d’un arbre dans la colline du Mont Kagu. La défunte Izanami fut inhumée dans le Mont Hiba aux confins du pays d’Izumo et de celui de Hahaki.
Ensuite, Izana-gi coupa la tête de son enfant, divinité du Feu, avec son épée Totsuka (une portée de dix mains ). Alors, son sang collé à sa pointe, s’éparpillant sur les rochers sacrés, devint des divinités, dont les noms sont Iha-Saku-no-kami et Né-Saku-no-kami, et puis, Iha- tsutsu-no-o-no-kami.
(Ensuite s’ensuivit l’enfantement des divinités au nombre total de dix-huit.)
À suivre
Le Kojiki Izanagi et Izanami au Pays d’Yomi 2/2 『古事記』 黄泉の国のイザナギとイザナミ