La nature dans les films d’animation du Studio Ghibli

Il est bien connu que la nature joue un rôle majeur dans les films d’animation du Studio Ghibli. C’est pourquoi, en lien avec la conception japonaise de la nature, nous allons réfléchir à la représentation de la nature chez Hayao Miyazaki à travers Nausicaa de la Vallée du VentMon voisin TotoroPrincesse MononokéLe Voyage de Chihiro et Le Château ambulant.

Dans une interview intitulée « Quarante-quatre questions posées à Hayao Miyazaki par des journalistes étrangers au sujet de Princesse Mononoké », Miyazaki répond ainsi à propos de la nature dans ses films d’animation.

 Il ne s’agit pas de reproduire fidèlement une forêt réelle, mais de représenter la forêt qui existe dans le cœur des Japonais, celle qui était déjà là au commencement du pays. (Le Livre de cours Ghibli 10 : Princesse Mononoké)

La forêt qui existe dans le cœur des Japonais est également liée à leur spiritualité.

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John Lennon & Zhuangzi : Imagine Nowhere

While reading the ancient Chinese thinker Zhuangzi, the lyrics of John Lennon’s Imagine suddenly came to mind. The first verse goes roughly like this: “Imagine there’s no heaven or hell, above us only sky. Imagine all the people living for today.”
This resonates with Zhuangzi’s idea of a world where all things are equal and no boundaries exist.

Noticing such a similarity—or even a kind of convergence—also brings to mind Nowhere Man, released by the Beatles in 1965. The song begins with the line “He’s a real Nowhere Man”, and continues with a series of negative expressions. Yet this negativity is not merely denial; it can be interpreted as an attitude that tries to erase the divisions and distinctions created by a fixed point of view. Here too, one can sense a spirit that corresponds to Zhuangzi’s theory of the Equalization of Things.

Whether John Lennon actually read the Zhuangzi is unknown. However, it is said that he took an interest in Zen thought introduced by figures such as D. T. Suzuki, read spiritual texts such as The Tibetan Book of the Dead, and had been an avid reader of Lewis Carroll’s Alice’s Adventures in Wonderland and Through the Looking-Glass since his youth.
Considering this background, it is reasonable to assume that he was drawn to something different from the Western mode of thinking that attempts to understand the world by dividing things into opposing categories—good and evil, left and right, front and back, above and below, beauty and ugliness.

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Zhuangzi Chaos (渾沌) et Art de vivre selon la Nature

Zhuangzi encourage à suivre la Nature sans agir de manière volontaire, c’est-à-dire à cultiver la spontanéité naturelle, afin d’atteindre le « non-agir » et l’errance insouciante ; ainsi peut-on demeurer sur « la Voie », qui est le Tao, ce processus par lequel tout naît, se métamorphose et s’efface dans l’ordre naturel du monde. Il met également en avant des pratiques de maîtrise de soi et de l’énergie intérieure, fondées sur la quiétude et l’absence de pensée.

Le conte de Hundun (渾沌), qui clôt les « chapitres intérieurs » du Zhuangzi, l’un des grands textes du taoïsme, peut être lu comme un récit condensant et éclairant l’essentiel de la pensée de notre auteur.

L’empereur de la mer du Sud s’appelait Shu (儵), celui de la mer du Nord s’appelait Hu (忽), et l’empereur du Centre était Hundun (渾沌). Shu et Hu se rencontraient parfois sur la terre de Hundun, qui les accueillait très généreusement. Shu et Hu, voulant remercier Hundun de sa bonté, dirent : « Tous les hommes ont sept orifices pour voir, entendre, manger et respirer, mais lui n’en a aucun. Essayons d’en percer. » Ils percèrent un orifice par jour, et au septième jour, Hundun mourut.

南海之帝為儵,北海之帝為忽,中央之帝為渾沌。儵與忽時相與遇於渾沌之地,渾沌待之甚善。儵與忽謀報渾沌之德,曰:「人皆有七竅 以視聽食息,此獨无有,嘗試鑿之。」日鑿一竅,七日而渾沌死。

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Zhuangzi Le rêve du papillon et la transformation des êtres(物化)

Zhuangzi (env. 369 av. J.-C. – 286 av. J.-C.) était penseur, philosophe et écrivain du milieu de la période des Royaumes combattants. Il est l’une des figures représentatives du courant taoïste, héritier et développeur de la pensée de Lao Tseu.

Dans le chapitre intitulé « Le traité de l’égalité de toutes les existences », il propose de ne pas découper le monde selon des distinctions artificielles ni des jugements de valeur purement humains, et de saisir intuitivement l’égalité fondamentale qui appartient originellement à toutes choses. Tout est, dans son fondement, la manifestation d’une même dynamique de la Voie (le Tao 道).

Pour pénétrer cette idée, apparemment si moderne malgré son ancienneté, Zhuangzi a préparé une introduction ouverte à tous, sous la forme d’un conte accessible : le célèbre conte connu sous le nom de « Rêve du papillon ».

Autrefois, Zhuangzi rêva qu’il était devenu papillon. Il était un papillon voletant légèrement, et il s’en réjouissait au gré de son cœur. Il ne savait plus qu’il était Zhuangzi. Soudain réveillé, il se retrouva bel et bien Zhuangzi. Mais il ne savait pas si c’était Zhuangzi qui avait rêvé qu’il était un papillon, ou si c’était un papillon qui rêvait qu’il était Zhuangzi. Entre Zhuangzi et le papillon, il doit bien y avoir une distinction. C’est cela que l’on appelle la « transformation des êtres » (物化).

昔者莊周夢為胡蝶,栩栩然胡蝶也。自喻適志與!不知周也。俄然覺,則蘧蘧然周也。不知周之夢為胡蝶與,胡蝶之夢為周與?周與胡蝶,則必有分矣。此之謂物化。

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ISHIKAWA Jun  Le Cerisier de montagne

Ishikawa Jun (1899‑1987) était un romancier au style marqué et un critique littéraire à la fois méditatif et analytique sur la littérature et le langage.

Dans ses romans, sa prose est si caractéristique qu’elle en devient singulière, parfois difficile à déchiffrer même pour des lecteurs japonais. 

Dans un passage tiré de ses « Fragments sur la discussion littéraire », il exprime sa conception de la prose :

La prose existe pour l’invention, et non pour parler de l’invention. Même si l’invention se manifeste par les mots, elle n’apparaît qu’en une forme partielle et déterminée. Tout comme la vie réside dans l’homme, un secret de genèse est inhérent aux choses. Quel que soit l’artifice que l’on tente pour parler des choses, leur secret s’échappe toujours.

La prose sert à inventer, mais ne peut saisir pleinement l’invention elle‑même, et le secret des choses échappe toujours aux mots, ce qui est typique de la pensée d’Ishikawa Jun.

Sa nouvelle « Le Cerisier de montagne » illustre bien sa prose. Dans ma traduction suivante, j’ai tenté de conserver son style autant que possible, afin que le lecteur français puisse en percevoir l’essence. 


Le Cerisier de montagne

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石川淳 「山櫻」 フランス語訳の試み 6/6  ISHIKAWA Jun, « Le Cerisier de montagne », essai de traduction en français 6 / 6

Voici la dernière partie du « Cerisier de montagne ».

わたしは椅子の上にくず折れ、もう一歩を踏み出す力もうせて、どこでどんな位置におかれていようとかまいなく、きょとんと眼を空に据えていた。しかし、決してぼんやりしているどころか、かかる場合にこそ到底ぼんやりしてなどいられるものではない。理性につながるわがための命綱がさいわいにまだ朽ちきっていないならば今こそ綱の端にすがらなければならないときだろう。だが、いったいどこの綱手をどう手繰れば鈴が鳴るというのか。堂堂たる理法の綾の中にまぎれこもうなどという贅沢な望みではなく、どんな頼りないことばの藁ぎれでもつかみたいとあえいでいる有様なのだが、それほどの手がかりさえぷっつり断たれているほどわたしは痴呆性だといよいよ相場がきまったのであろうか。それならそれで、わたしにも覚悟のきめようがあろうに・・・・・しかしその覚悟にたどりつくまでのゆとりもこのとき許されなかった。というのは、いつの間にか上って来た善太郎の声をついそばに聞かなければならなかったのだ。
「おじさん邪魔だよ。轢いちゃうよ、ぼう、ぼう。」

Je m’étais effondré sur ma chaise, incapable de faire un pas de plus, et, sans me soucier de l’endroit ni de la situation, je dirigeais vaguement les yeux vers le ciel. Mais, loin d’être distrait, c’était justement dans une situation pareille qu’il m’était absolument impossible d’être perdu. Si la corde de vie qui me reliait encore aux subtils entrecroisements des principes rationnels n’avait pas complètement pourri, c’était le moment ou jamais de m’attacher à son bout. Mais, où donc faudrait-il tirer sur cette corde de salut, et de quelle manière, pour qu’une clochette sonne ? Ce n’était pas un espoir de luxe que j’avais de me mêler aux entrelacs d’une noble logique, mais je m’acharnais à saisir un moindre brin de paille d’un mot peu fiable. Était-il établi qu’à ce point, où aucune prise ne subsistait, je sombrais dans la démence ? » Si tel était le cas, soit, je pourrais m’y résoudre… Mais à ce moment-là, on ne m’a pas laissé le temps de parvenir à cette résolution. Car, j’ai dû entendre la voix de Zentaro, qui montait je ne sais quand.
— Monsieur, vous êtes embarrassant. Je vais vous écraser,  whoo, whoo !

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石川淳 「山櫻」 フランス語訳の試み 5/6 ISHIKAWA Jun, « Le Cerisier de montagne », essai de traduction en français 5 / 6

Suite à la page 4. Le texte qui suit constitue un paragraphe entier.

身から出た鏽とはいえ、わたしは京子の眼の前であまりの侮辱に忍びかね、今下へおりて行く善作の後姿に飛びかかろうとしかけたが、軍隊できたえた逞ましい腕に細い襟くびをねじあげられて猫の仔のように抛り出されるまでのことと思えば、腑甲斐なく椅子にしがみついたまま、一度恥をかき出すと止度なく恥をかくものだなと籐の網目にからだがちぎれるほどのせつなさで、うわべはすれからしの銭貰い同然しゃあしゃあとした面の皮をさらしている有様であった。

Même si ce n’était au fond que la rouille sortie de mon propre corps, un mal forgé par mes propres fautes, je ne supportais pas l’insulte, là, sous les yeux de Kyoko, et j’étais sur le point de me jeter sur le dos de Zensaku qui descendait en ce moment. Mais en pensant que je ne serais qu’un pauvre type à me faire tordre le col mince par ses bras vigoureux formés à l’armée et à être jeté dehors comme un chaton, je restai lâchement accroché à ma chaise. Et me disant qu’une fois qu’on commence à avoir honte on n’en finit plus d’en avoir, j’avais le cœur si serré que mon corps semblait se déchirer dans les mailles du rotin tandis qu’en apparence tel un mendiant blasé j’affichais un visage impudent.

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石川淳 「山櫻」 フランス語訳の試み 3/6  ISHIKAWA Jun, « Le Cerisier de montagne », essai de traduction en français 3 / 6

Voici le quatrième paragraphe.
Comme pour les paragraphes précédents, je divise le texte à chaque point afin de mieux saisir le style d’Ishikawa Jun.


森の涯というよりも森の一部を仕切った粗い柵の中にその家は建っているのだが、ひとは道を行きながらついそこに迷い入り、向うにエスパニヤ風の玄関を望むまでは大きい自然木の門を通り過ぎたことに気がつかないくらいだ。

Ce n’est pas tant à la lisière de la forêt, mais dans un enclos grossier, délimité à l’intérieur même du bois, que cette maison est construite ; et, alors que l’on marche sur le chemin, on s’y engage presque sans le remarquer, et tant qu’on n’a pas aperçu l’entrée de style espagnol au loin, on ne réalise pas qu’on a franchi le grand portail en bois naturel.

ここに、わたしはその門内の立木のあいだを歩きつつ先刻から奇怪にも額がじりじり焦げつくような感じに責め立てられ、太陽に近づくイカルさながら進むにつれて髪の根が燃えるばかりの苦しさに頭を一ふり揺り上げると、前面の二階に張り出した露台の上で、欄干にいかぶさる葉ごもりを透して二つの眼が爛爛とこちらを睨んでいた。

Alors que je marchais entre les arbres plantés à l’intérieur de ce portail, depuis un moment déjà, j’étais, de manière étrange, assailli au front par une sensation de brûlure lancinante ; avançant tel une pie qui s’approche du soleil, la douleur à la racine de mes cheveux devint si intense que je secouai vivement la tête, et c’est alors qu’à ce moment précis, à travers le feuillage recouvrant la rampe, deux yeux brillants me fixèrent d’un regard incandescent.

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石川淳 「山櫻」 フランス語訳の試み 2/6  ISHIKAWA Jun, « Le Cerisier de montagne », essai de traduction en français 2 /6

Voici le deuxième paragraphe.
Comme pour le premier paragraphe, je divise le texte à chaque point afin de mieux saisir le style d’Ishikawa Jun.


もっとも多少の因縁といえば、わたしはもう十二年ばかり前青山の判事の家で庭にただ一本の山桜の下に判事の娘の京子を立たせて写真をとったことがあるのだ。

S’il s’agit d’un certain lien, aussi mince soit-il, il y a environ douze ans déjà, j’ai pris une photo de Kyōko, la fille du juge d’Aoyama, debout sous un cerisier de montagne dans le jardin de la maison du juge.


当時わたしは写真に凝って三脚の附いた重いのをやたらにかつぎ廻ったものだが京子をとったのはそれ一度きり、たぶん京子がその春結婚する前に、これもわたしの遠縁にあたる吉波、現在は予備の騎兵大佐で某肥料会社の重役をつとめている善作のもとへ嫁ぐ前に記念のためというのでもあったか、父親の判事も縁先に出てうしろから眺めていたと思う。

À cette époque, je me passionnais pour la photographie, et je transportais mon appareil lourd avec trépied un peu partout, mais en ce qui concerne Kyōko, je ne l’ai photographiée qu’une seule fois ; sans doute était-ce juste avant son mariage ce printemps-là — elle devait épouser Yoshinami, un parent éloigné à moi, aujourd’hui colonel de cavalerie de réserve et directeur dans une certaine société d’engrais —, et je pense que c’était pour en garder un souvenir et que le père, le juge, était lui aussi sorti jusqu’au bout de la véranda japonaise pour observer la scène depuis l’arrière.

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